L’un des grands mystères de mon quotidien est : comment mon smartphone fait-il pour être éternellement trop plein ? Trop de photos, de messages, de PDFs et de chansons que je ne prends pas le temps de déplacer. Ainsi, aucune application, aussi tentante soit-elle, n’arrive jamais à se libérer une petite place où s’installer.
Et pourtant, lorsque j’ai découvert l’application anti-gaspillage Too Good To Go (disponible gratuitement sur I-Phone et Android), je l’ai pris, le temps, et le jour même. Too Good To Go était trop beau pour être vrai, sauf qu’en plus c’était vrai. Alors j’ai « poussé les meubles », supprimé huit des douze photos d’un pommier au bord de la route prises il y a quinze mois, transféré (enfin) les heures d’enregistrements des interviews d’Effleure sur mon ordinateur et, miracle ! mon téléphone a retrouvé sa ligne. Il avait même un petit creux, c’était parfait pour Too Good To Go.
Et comme je me soucie du bien-être de vos ventres aussi bien que de celui de vos porte-monnaie, j’ai eu envie de vous faire rencontrer Lucie Basch. À seulement 25 ans, elle est CEO et fondatrice de l’application Too Good To Go France et réinvente le futur grâce à son idée géniale et gourmande.
Céliane
Est-ce que tu pourrais me parler de la naissance de Too Good To Go et du concept de l’application ?
C’est lorsque je suis passée devant la boulangerie qui jetait beaucoup de produit que l’idée m’est venue ! Je travaillais à l’étranger, je suis rentrée en France et entourée de bénévoles extrêmement enthousiastes et déterminés, nous avons commencé à démarcher nos premiers commerçants et à chercher des fonds, en répondant à des concours et en lançant une campagne de financement participatif. Petit à petit, on a grandi et aujourd’hui ce sont plus de 1700 commerçants qui s’engagent contre le gaspillage alimentaire sur tout le territoire français !
Too Good To Go, c’est donc une application mobile qui lutte contre le gaspillage alimentaire en connectant commerçants et consommateurs pour sauver leurs invendus de la poubelle en fin de journée. Géolocalisés, les utilisateurs repèrent les partenaires commerçants autour d’eux, payent un petit prix en ligne, et passent à la fermeture récupérer leur « panier surprise », composé en fonction des invendus du jour ! Un concept gagnant-gagnant, pour l’utilisateur qui s’engage au quotidien contre le gaspillage et profite de prix réduits, comme pour le commerçant qui ne jette plus ses bons produits et pour l’environnement !
Te souviens-tu de comment est apparue ta prise de conscience écologique, notamment dans le domaine du gaspillage alimentaire ?
Je suis ingénieure centralienne et j’ai démarré ma carrière dans l’agro-alimentaire au Royaume-Uni. J’ai toujours été sensible au gaspillage alimentaire et choquée par ce que j’ai vu dans l’industrie. Il y a eu cette fois en particulier où en passant devant une boulangerie qui s’apprêtait à mettre à la poubelle plein de produits encore consommables, que j’ai eu l’idée : et si, chaque soir, quelqu’un pouvait passer récupérer ces produits juste avant qu’ils ne soient jetés ? Cela ferait plaisir à tout le monde, et aurait un réel impact ! J’ai donc décidé de créer une plateforme qui mettrait en relation les commerçants et des riverains qui rachèteraient ces produits à prix réduits. L’idée de Too Good To Go venait de naître !
En plus de ton métier, est-ce que tu t’engages personnellement pour une autre cause, que ce soit dans le domaine de l’écologie ou plus largement pour défendre tes idées ?
Je crois que l’engagement peut se faire au quotidien, et à notre échelle, alors je dirais que oui. Je tente au maximum de vivre selon les mêmes préceptes que ceux que l’on défend chez Too Good To Go. Je tente de réduire mon impact environnemental du mieux que je peux ; j’évite les déchets autant que possible, je fais mes courses en vrac et local.
Qui admires-tu particulièrement ?
J’aime beaucoup les idées sur l’entreprise libérée de Frédéric Laloux !
Et si tu pouvais réinventer le futur, qu’est-ce que tu aimerais voir changer dans la société et comment ?
On peut inventer le futur et c’est ce qu’on essaye de faire avec Too Good To Go ! J’aime beaucoup cet adage qui dit « collaboration is the new competition », s’il y a quelque chose que je trouve fondamental aujourd’hui, c’est justement ça, l’échange et la mise en relation. Entre les entreprises, entre les particuliers, entre ceux qui ont et ceux qui ont besoin, entre ceux qui ont trop et ceux qui n’ont pas assez… Créer des liens pour faire apparaître des synergies et une interdépendance positive entre nous tous. Et ça, la technologie aujourd’hui nous permet d’y arriver ! Elle permet de connecter des inconnus en temps réel pour répondre à leurs besoins. C’est ça, à mon sens, le futur que l’on est en train de construire, une économie collaborative et circulaire ou chacun peut véritablement devenir acteur de changement, avec son voisin, et sans même faire d’efforts !
Vous dites que : » Nous définissons ensemble (avec le restaurant) le nombre de produits ou le montant minimum qui composent une portion ». Comment faites-vous, est-ce que cela doit par exemple être au maximum la moitié du prix d’origine ? Est-ce que cela représente une quantité suffisante pour un repas ?
Too Good To Go offre une solution qui est très flexible et adaptable au cas par cas, ce qui nous permet de travailler avec des boulangeries, comme des primeurs, des restaurateurs, des fromagers, des hôtels… Tout le concept repose sur la notion de « portion surprise ».
Nous essayons donc de définir ensemble, avec lui, en fonction des invendus qu’il lui reste le plus souvent, une portion idéale. Celle-ci équivaut généralement à un repas, ou bien à un assortiment de produits pour une ou plusieurs personnes !
Sur l’application les paniers ont une réduction en moyenne de 70%.
Et aujourd’hui, combien d’utilisateurs y a-t-il en France ? Internationalement ?
En France, ce sont 400 000 personnes qui ont téléchargé l’application. Too Good To Go est présent dans 6 pays : la Norvège, le Danemark, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Suisse et la France. Nous avons sauvé plus d’un million de repas en un an !
Avec un tel succès, est-ce qu’il n’y a pas un danger que les restaurateurs, boulangers, etc, produisent plus de nourriture afin de pouvoir apparaître sur Too Good To Go, que cela soit finalement seulement une sorte de soldes ?
C’est une bonne remarque ! Too Good To Go, en plus d’être une initiative anti-gaspi, offre indéniablement de la visibilité à nos commerçants partenaires. Mais nous restons très prudents quant aux commerçants que l’on référence sur l’application, nous voulons engager une lutte contre le gaspillage alimentaire, pas une campagne de marketing. Nous précisons bien cela dans notre démarche et les commerçants n’ont de toute façon pas intérêt à produire plus pour vendre moins cher.
Et toi, est-ce que tu utilises Too Good To Go ?
Au début, je l’utilisais tout le temps, je voulais tester chaque nouveau commerçant partenaire, tout goûter. Et puis avec le temps et aujourd’hui avec plus de 1700 commerçants partenaires c’est devenu un peu plus compliqué de tout tester. Je l’utilise encore souvent, c’est vraiment un bon plan gagnant-gagnant !
Aimerais-tu ajouter quelque chose?
Ce sont toutes nos petites actions qui ont un impact global énorme. Si on peut changer le monde en mangeant, c’est plutôt une bonne nouvelle ! Ça ne vous a pas donné faim, à vous ?
Interview réalisée par écrit
Photos: Too Good To Go