Des images d’Inde dans les yeux de Joanie Waelti

PICTURES OF INDIA

Depuis l’hiver dernier, j’ai aimé rencontrer chacun et chacune des invités Effleure. Autour d’un thé ou sur un banc, certains m‘ont fait rire, d’autres m’ont bouleversée par leurs récits, d’autres m’ont ouvert les yeux quand je ne savais même pas qu’ils étaient fermés. Ils m’accompagnent dans un coin de ma tête et jaillissent lorsque je passe devant une boutique vintage, un pressing, un champ ou une fontaine.

Mais aucun ne m’avait encore raconté (en une minute montre en main, épisodes cocasses compris), pourquoi le dieu Ganesh a perdu sa tête. En s’excusant d’omettre des détails alors qu’elle aurait pu se gargariser de sa culture. Jusqu’à ce je rencontre l’adorable et dévouée Joanie Waelti et qu’elle me donne tellement envie de soutenir son festival que je passe ma soirée à en parler à tous mes contacts, et même aux contacts de mes contacts, et dans plusieurs restaurants, boulangeries, magasins, universités. Et maintenant, bien sûr, sur Effleure.

De jour, elle est consultante dans le domaine de l’informatique, après avoir été professeure d’anglais et photographe. De nuit, elle se bat pour faire naître la première édition du festival humanitaire Pictures of India. L’argent récolté grâce à son festival local sera reversé à des projets d’éducation en Inde. Cinéma bollywoodien, cours de yoga, brunch bio au cœur de Lausanne (Suisse), cette passionnée a de vraies bonnes idées et une endurance à faire pâlir d’envie les entrepreneurs aux dents longues.

Mais tout donner suffira-t-il du premier coup ? Aussi altruiste que courageuse, elle a fait un saut dans le vide pour les gens qui ne peuvent pas se lever pour leurs propres droits.

Voyage à la découverte du premier festival Pictures of India

Céliane

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Joanie, comment as-tu « découvert » l’Inde ?

Entre 2004 et 2007, j’ai travaillé avec une équipe d’une trentaine de consultants indiens, ce sont eux qui m’ont rendue curieuse de leur pays que j’ai voulu aller voir en vrai. Mon premier voyage, c’était en 2007.

Ça t’a plu tout de suite ?

Ah oui ! Je suis tombée amoureuse de ce pays. Les paysages sont magnifiques, les gens ont été tellement accueillants. Il y a des lieux qui sont très prenants, aussi, au niveau émotionnel. C’est difficile à décrire, mais il y a eu un déclic. J’y suis retournée chaque année, sauf l’an dernier. Ça m’a fait bizarre. Mais j’y retourne juste après Noël !

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C’est immense, l’Inde. Est-ce qu’il y a une région qui te plaît particulièrement ?

Les premières années, j’ai beaucoup visité, beaucoup voyagé à travers l’Inde. Mais je me suis fait des amis et ça fait quelques années que je visite beaucoup moins et que je vais leur rendre visite.

En même temps ça me fait des vacances, et en même temps, les projets que nous aidons avec l’association se centrent plutôt dans le sud de l’Inde, à Bangalore. Donc je passe au moins une année sur deux par cette ville. Cette année je vais voir, si je peux organiser des équipes de bénévoles sur place pour nos projets d’éducation. Rien n’est encore sûr, je vais en discuter avec les personnes qui gèrent sur place. Ce sont vraiment des gens très compétents, que je connais bien. Je peux affirmer que l’argent va directement là où il faut, personne ne prend un pourcentage dans sa poche. Pour moi, c’était vraiment très, très important de savoir que l’argent ne va pas « à gauche à droite ».

Quand est-ce que tu as fondé l’association Pictures of India ?

En 2009, on m’a demandé de faire une expo photo que j’ai appelée Pictures of India, sans savoir que ça deviendrait le nom de l’association ! Comme je trouvais que c’était plus correct de ramener en Inde l’argent gagné pour mes photos, j’ai fondé cette association.

Je l’ai gérée toute seule pendant longtemps et puis, l’année passée, je l’ai rendue public. Actuellement, on a une quinzaine de membres. Et nous sommes deux dans l’organisation du festival.

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Est-ce que tu pourrais me parler des trois projets que Pictures of India soutient ?

Alors le premier, c’est la construction d’écoles dans des zones que l’Etat ne couvre pas. Pictures of India aide une organisation sur place qui s’appelle Round Table. Même si l’éducation est censée être gratuite, en fait ce qui est gratuit en général, ce sont les murs et la maîtresse. Mais pas forcément le matériel, et là où l’état estime qu’il n’y a pas beaucoup d’enfants et que donc c’est inutile de construire, eh bien, il n’y a pas beaucoup d’écoles et les enfants n’y vont pas parce que c’est trop loin.

Le deuxième projet, c’est un orphelinat de petites filles qui ne sont pas adoptables. Depuis que l’Inde a signé les accords internationaux sur l’adoption, ils n’ont plus le droit de faire adopter des enfants qui n’ont pas de papiers. Ça a été signé pour éviter le trafic d’enfants. Mais comme beaucoup naissent dans la rue et donc n’ont pas de papiers, ils ne peuvent pas être adoptés. En Inde, aussi, ils sont censés donner la priorité aux Indiens pour adopter des enfants indiens. Et du coup, ils ont arrêté l’adoption à l’international. C’est extrêmement rare d’adopter en Inde maintenant, il faut que ce soit des cas vraiment spéciaux.

Et le troisième projet qu’on soutient s’appelle le foyer Juvi. C’est un foyer pour jeunes femmes en difficulté. En général, ces femmes n’ont pas reçu de vraie éducation. Elles ont été bannies par leurs familles, souvent pour des raisons telles qu’avoir un petit copain ou avoir eu des relations sexuelles hors mariage. Ces jeunes filles se retrouvent soit à la rue et doivent se prostituer, soit elles peuvent être accueillies dans ce foyer. Elles sont un peu plus d’une vingtaine. Le foyer leur offre une éducation, une formation : on leur apprend à devenir couturières. Elles apprennent aussi à faire des bijoux, de l’artisanat. Celles qui ne savent pas lire, on leur apprend à lire et à écrire. Elles restent entre six mois et une année, les plus jeunes ont une quinzaine d’années, alors elles peuvent rester un peu plus longtemps. Jusqu’à ce qu’elles se sentent indépendantes et prêtes à partir.

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Tu m’as dit avant l’interview avoir été surprise d’avoir pour l’instant reçu peu d’inscriptions pour le festival…

Oui, c’est vraiment étonnant parce que les prix que l’on a annoncés sont des prix tout à fait abordables. On a commencé par une campagne de crowdfunding qui n’a pas fonctionné, du coup tout le monde a été remboursé. Et il a fallu tout recommencer. D’autant plus que certaines personnes qui avaient payé se disent peut-être : « Bon, bah on a déjà essayé, ça n’a pas marché, maintenant on abandonne ». On a dû annuler le gala du samedi soir, faute de participants. Je fais des nuits blanches, je vais me coucher à trois heures du matin. Mais on aimerait bien que les gens n’abandonnent pas ! (Rires)

La prof de yoga, elle est super ! Un enfant, à partir de sept, huit ans, il peut suivre un cours de danse bollywood ou de yoga. Donc on peut venir par exemple en famille se faire plaisir, et en même temps faire une bonne action. Le brunch bio marche plutôt bien. La table ronde du samedi 4 novembre est gratuite et ça va être vraiment intéressant. Il y a aussi le film bollywood du vendredi soir, c’est assez kitsch, c’est très enjoué, il y a beaucoup de chansons, des gens qui dansent. Je me réjouis ! C’est en Hindi sous-titré anglais, mais c’est vraiment très facile à comprendre, même si on ne parle pas bien l’anglais.

Je commence à avoir plus d’inscriptions. Je pense que les gens se réveillent peut-être et commencent à s’inscrire maintenant, puisque c’est le vendredi 3 novembre prochain.

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Qu’est-ce qui t’aide à ne pas baisser les bras ?

Moi, ce qui m’aide, c’est de penser que si on ne le fait pas, si j’abandonne, c’est de l’argent que ça nous coûtera et qu’on ne pourra pas amener en Inde à la fin de l’année. Alors on en parle partout autour de moi et on croise les doigts !

Festival Pictures of India, du 3 au 5 novembre 2017 à Lausanne 

Photos : Giorgia Miano (portraits) et Joanie Waelti (Inde)

 

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