Laissez-vous inspirer par Hugo, entrepreneur engagé, créateur de Conouco. Son slogan: « Donnez du sens à la mode en toute élégance. »
Hugo Lemoine, deuxième partie
De retour de la République démocratique du Congo, tu as décidé de lancer ta propre marque de vêtements en lin bio et français, pourquoi ce projet-là ?
J’ai été « élevé au bio », ensuite j’ai travaillé pour des multinationales, donc je suis très partagé entre le business, le succès, et le respect de l’écologie. Mais, comme je te l’ai dit tout à l’heure, pour moi ce n’est pas en opposition. Je veux une entreprise qui mette en avant une économie plus saine.
Le déclic pour Conouco, ça a été un truc tout simple : un jour, j’étais à Lyon et j’avais froid, donc je voulais acheter des collants en laine. J’ai cherché, mais tous étaient en laine de mérinos qui venait de l’autre bout du monde… alors que le mérinos est une race originaire d’Espagne ! Ça m’a choqué.
L’autre point important dans la création de Conouco, c’est qu’en rentrant du Congo j’avais des préoccupations très terre à terre, donc j’ai pensé aux trois besoins primaires de l’homme qui sont : se nourrir, se loger, se vêtir. Les vêtements, ce sera toujours quelque chose d’indispensable.Une des questions que je me pose souvent est : comment être sûre des conditions de production réelles de nos vêtements. Que répondrais-tu ?
Alors déjà, j’ai vérifié personnellement les conditions de production du lin utilisé par Conouco, qui est cultivé en Normandie et en Seine-et-Marne, ainsi que celles des ateliers de transformation en France, en Italie et en Belgique. Mais en plus, le tissu est certifié Global Organic Textile Standard (GOTS).
On dit souvent que le lin est une fibre écologique, et c’est vrai, mais le lin nécessite une rotation tous les sept ans ; entre temps, on doit laisser le terrain cultivé se reposer pour qu’il se régénère. Si, comme d’autres entreprises, on utilisait des pesticides, on arriverait à en faire pousser tous les deux ou trois ans seulement. Mais ça fatigue beaucoup le sol, alors les agriculteurs conventionnels (non biologiques) doivent encore ajouter de l’engrais.
D’autre part, selon la Confédération européenne du lin et du chanvre (CELC), quatre-vingt-dix pourcent du lin français est envoyé à l’autre bout du monde pour être transformé et puis il est revendu ici comme « lin français ». En plus de cela, il y a au moins trois traitements supplémentaires appliqués à l’habit même. Chez Conouco, il y n’y a aucune transformation du tissu avant l’achat.
Pourquoi avoir choisi le lin ?
C’est très élégant et personnellement, je m’habille plutôt dans un style citadin, donc ça me plaisait. Il y a une rumeur qui prétend que le lin ne se porte qu’en été, mais c’est parce que les gros producteurs industriels font des vêtements extrêmement fins pour pouvoir dire « cent pourcent lin », donc forcément on les porte plus en été. Mais le lin en soi est une matière thermorégulatrice, qu’on peut mettre directement sur la peau et qui garde aussi bien la chaleur en hiver que la fraîcheur en été. « Mon » lin ne se détend pas et ne se déforme pas, car justement c’est une fibre beaucoup plus épaisse que l’habituelle. Et pourtant, il se froisse moins et est plus facile à repasser.
Est-ce que Conouco a tout de suite eu le succès espéré ?
Il y a quelques années, j’ai eu la chance de rencontrer le créateur de « 1083 », une marque de jeans et chaussures fabriqués en France, au moment où il lançait son entreprise de mode éthique, qui marche d’ailleurs très bien. J’ai voulu suivre un peu son modèle. Mais pour Concouco, ça ne s’est pas du tout passé comme prévu ! Cela prend plus de temps pour que le succès soit au rendez-vous, il faut se créer un réseau et une clientèle. Il faut dire que mettre toutes ses économies dans une petite entreprise sans aucune garantie que ça va marcher, ce n’est pas très attrayant.
Mais j’ai investi trois ans à créer Conouco, je suis un tenace, je vais me battre, puisque j’ai la chance de pouvoir le faire (lire première partie de l’article). Là je bosse cinquante à quatre-vingt heures par semaine pour un salaire très bas. Pourtant, je suis certain que ça va marcher parce que la mode commence une vraie remise en question, alors les vêtements bios et issus du commerce équitable sont ceux du futur. Ma phrase préférée, c’est : « Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait. »
photos: Conouco